Comment observer un paysage sans répondre à des clichés ? Comment expliquer de quelle façon se composent les points de vue ? On est allé poser ces questions à un photographe et à un expert en histoire du paysage. Direction la Haute-Savoie, pour une interview croisée, entre regards, émotions et surprise.
Depuis notre plus tendre enfance, on nous apprend à percevoir le monde de façon attendue, presque programmée. On peine alors à l’observer spontanément, et à s’étonner de tout ce qui nous entoure. C’est l’idée que défendent Sylvain Duffard, photographe, et Michael Jakob, professeur de théorie et histoire du paysage. Tous deux ont été approchés par le CAUE (Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) haut-savoyard en 2012 pour alimenter l’Observatoire des paysages de Haute-Savoie. De cette collaboration est née une exposition, « Les temps du paysage ». Pour nous, ils reviennent sur cette expérience immersive d’observation du paysage…
Au travers de cette interview avec Michael Jakob professeur de théorie, d’histoire du paysage et, Sylvain Duffard, photographe. Plongez-vous dans l’univers de Guillaume Ducreux photographe paysagiste Lyonnais, il nous raconte son métier, son point de vue immersif sur l’observation du paysage
L’Observatoire des paysages (OPP) de Haute-Savoie s’intéresse aux paysages quotidiens et ordinaires. Des lieux que Sylvain Duffard connaît bien, pour avoir vécu plusieurs années près d’Annecy. Pour l’exposition, le photographe a donc choisi ses cadrages en fonction de ses émotions personnelles, ou même d’une couleur qui a détourné son objectif.
Quant à Michael Jakob, pour lui, tout est une question de surprise. Notre société nous apprend à observer uniquement quand quelque chose est surprenant. On a discipliné notre regard, ce qui le déforme. Selon lui, on ne devrait pas se préparer à une rencontre avec le paysage, tout comme il est impossible de se préparer à tomber amoureux.
SD : Pour prendre les paysages en photo, je roule beaucoup et procède par aller et retour ; pour capter une autre lumière notamment. Parfois, au volant, j’ai l’impression qu’une image surgit, et quand je descends de mon véhicule, il arrive que cette image disparaisse, comme un mirage. Les paysages se composent à partir de plusieurs images. Ma vitesse de déplacement joue dessus. En réalité, ces points de vue n’existent pas, je les recompose. J’ai travaillé à la chambre photographique en argentique avec un appareil à soufflet du XIXe siècle, dans une certaine lenteur. Ce qui crée un grand écart par rapport à la rapidité de mes déplacements.
MJ : Ce n’est pas un arrêt sur image. L’observation n’a pas de fin, ni dans l’espace ni dans le temps. Aussitôt qu’on le regarde, le paysage a disparu : il n’existe que dans ma conscience. En capturant une image, avec les évolutions des paysages, on sait que, vite, le paysage n’aura plus tout à fait cette forme. Finalement, observer un paysage, c’est voir autant de mondes que de regards.
MJ : Oui, car le paysage n’existe que pour l’œil. Si je regarde des détails, je ne vois pas le paysage. C’est un mille-feuille. Nous mangeons ce qui est exquis, mais n’oublions pas ce qui constitue les autres couches. C’est sonder l’histoire passée qui fait la qualité de notre observation du paysage.
SD : J’aime l’idée « d’image gigogne » pour observer un paysage, quand on voit un premier élément dans le paysage, et qu’en observant de plus près, on voit autre chose. La profondeur, la différence d’échelles et le mouvement font un paysage.
SD : La vallée de Chamonix. Je me souviens de mon pare-brise rempli par la roche, du ciel disparu sous cette montagne puissante. L’un des territoires dans lequel j’ai eu le plus d’émotion.
L’avant-pays, à Chêne-en-Semine, en allant vers Bellegarde. Une saison, le printemps, en avril. Je me souviens spontanément des lumières, d’un paysage changeant.
La frontière. Un endroit passionnant à observer. Cette espèce de bout de la Haute-Savoie, entre continuité du paysage et rupture transfrontalière.
La Clusaz. La profondeur du paysage me permet de lire un noyau villageois ancien. Et puis il y a ce gros cailloux, posé là de façon étrange, qui descend de la montagne. Est-ce qu’il vient du glacier ? Je ne sais pas, mais il agit comme un guetteur du paysage…
Remerciements
Sylvain Duffard, photographe spécialisé dans les paysages
Michael Jakob, professeur de théorie et histoire du paysage à la Haute école du paysage à Genève, directeur scientifique de l’ouvrage Prises de vue ; un paradigme pour l'observation du paysage, Ed. Métis Presses, 2019
A la découverte de recoins secrets et merveilleux
Marcher en regardant le ciel, des étoiles plein les yeux
Comme un oiseau, observer le paysage différemment
Baptême de parapente, faites comme l’oiseau !
Une préservation des zones humides - Ville d’Évian
Visiter une exposition au Palais Lumière
Escapade automnale en canoë canadien sur le lac d’Aiguebelette.